Son enfance ( Kloelle)
- L’été, le mûrier offrait ses baies pourprées aux merles égarés….Tu te souviens ?
- Dans mes souvenirs nous étions les merles égarés…..Mais continue, j’aime ta manière de rendre le commun ravissant.
- Voyons Paul, nous y avons été heureux.
- Heureux… Comment peux-tu dire ça, Clara, nous y avons manqué de tout.
- Regarde, elle étendait le linge là, entre les deux arbres. Ses draps avaient une délicate odeur de lavande. Petite, je me cachais derrière, tout contre, et je collais mon visage dans leur blancheur à peine humide pour m’imprégner de leur parfum. C’est tante Estelle qui lui envoyait un petit flacon d’essence à chacun de ses anniversaires.
Un jour, je l’ai surprise qui ouvrait le petit paquet arrivant de Provence, elle se pensait seule. J’ai vu des larmes couler sur ses joues, sans un bruit, juste les battements de sa joie. Je crois qu’elle a toujours été vraiment heureuse que sa sœur pense à elle, malgré la distance, malgré sa réussite à elle.
- Estelle n’a jamais mis les pieds ici. Une maison de mineur, c’était pas assez bien pour elle. Et il ne lui coûtait pas cher son cadeau, juste le prix du soulagement de sa conscience. Quand papa est mort, quand la mine nous a expulsé d’ici, qu’a-t-elle fait pour nous, tante Estelle ?
- Elle lui a écrit…Elle l’a conseillée…Je crois.
- Les conseils ne remplissent pas les ventres.
- Nous glissons sur les mêmes souvenirs, Paul, mais suspendus à deux lanternes qui n’éclairent plus les mêmes murs. Entreras-tu ?
- Non Clara….Je t’ai prévenue que la mine vendait tout. Il y a eu les enchères… Le notaire… Les papiers. Je l’ai fait pour toi. Mais le reste, Clara, la distorsion éclatante entre tes souvenirs de petite fille et la réalité, il te faudra l’affronter seule.
Il lui donna solennellement les clefs de la maison.