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Paroles Plurielles
21 novembre 2007

24_Paire et impair (Clau)

Je n'ai pas mis les bonnes chaussures, ce matin, dans la vitrine du magasin, mais ce n'est qu'à la pause de la mi-journée que j'ai découvert mon impair.
 
La patronne avait pourtant été très claire. A peine avais-je franchi la porte de la boutique qu'elle m'avait dit : " Ah Josée ! Vous êtes enfin là !... Je serai très prise toute la matinée avec mon banquier...Je vous confie le magasin , et surtout n'oubliez pas de mettre en vitrine la paire de bottes en peau de panthère que nous avons reçue hier ! "
 
Est-ce la peur des responsabilités ou le ton ferme de la patronne qui me perturba ? Ou est-ce plutôt le vent glacial qui, à l'instant où il m'avait surprise sur le pont enjambant la rivière, avait gelé non seulement mes pieds et le bout de mon nez mais aussi mon discernement ? Toujours est-il que je n'ai pas réalisé l'incongruité de mon action.
 
La matinée glaciale fut une catastrophe pour le commerce. Il est vrai que si des personnes audacieuses avaient osé faire du lèche -vitrine, leurs langues auraient gelé au contact du verre ! La rue est restée déserte. Seules, deux jeunes filles frigorifiées longèrent un instant le trottoir et éclatèrent de rire en dépassant la boutique.
 
Ce fut enfin midi...puis midi et quart... Je fermais le magasin lorsque mon regard, balayant sans entrain la vitrine, buta sur une chose insolite : à la place réservée aux fameuses bottes en panthère, trônait  une paire grotesque de godillots en piteux état, déformés par des années de marche, cuir déchiré, lacets dépareillés, ceux-là même dont j'avais, dès que la patronne eut tourné les talons,  libéré mes pieds gelés, pour leur offrir en échange une confortable paire de chaussons fourrés. Or, cette paire de godasses lasses, j'avais passé un quart d'heure à les chercher, dans tous les coins et recoins du magasin avant que, dépitée, je ne me résolusse à quitter la boutique en chaussons.

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Commentaires
A
Ils auront eu leur journée de gloire bien méritée exhibés comme les deux derniers poilus de la guerre de 14 !
C
Virgul :-) ... ou un besoin d'être lue ! ;-))))
V
Non, non pas du tout. Par désoeuvrement j'entendais ce que la distraction traduit,que pendant un moment on est "décroché" de la réalité, simplement. Pour les godillots en vitrine je ne pensais pas à " voyez ce que je suis devenue" mais peut être à un besoin d'être vue. Clau, je ne suis pas psy, et le personnage que tu as décrit reste drôle et touchant.
C
A toutes et tous ... je suis heureuse que vous ayiez trouvé plaisante cette aventure dont le but premier, et que je croyais unique, jusqu'à la réaction de Virgul, était de faire sourire et de "délacer", comme le dit si bien Gino ;-) <br /> <br /> Virgul : j'espère que tu repasseras par là... Je tiens à te dire que ton commentaire ne m'étonne pas... il me stupéfie car il met l'accent sur un point qui ne m'est pas venu du tout à l'esprit pendant la rédaction du texte... Je croyais tranquillement faire dans la légèreté et amuser les potentiels lecteurs ... et tu viens soulever un questionnement qui,le court instant de stupéfaction passé, m'ait apparu d'une très grande pertinence ... Dis-moi ce que tu écris, je te dirais qui tu es " : c'est un peu ça n'est-ce pas ? ...parce qu'il s'agit ici bien entendu de mon inconscient à moi et non pas de celui du personnage fictif ... Alors cette paire de godillots usés mis en vitrine ,oui finalement c'est comme pour dire : regardez ce que je suis devenue...une personne fatiguée, usée par les épreuves, qui se sent vieillir et en ressent de l'amertume.. vous ne me reconnaissez pas, parce que j'ai été longtemps une personne pleine de dynamisme ( la paire de bottes en panthère dont j'ai usurpé la place ... )mais pourtant c'est bien moi ...! ! Mais le désoeuvrement Virgul ... pourquoi ? qu'est-ce qui te fait penser que le personnage ( soit moi !) est désoeuvré ? ? en réalité , je ne le suis pas du tout, mais ce qui est vrai, c'est que j'accomplis une quantité de tâches sans en ressentir aucun plaisir .. est-ce que cela peut être comparé au désoeuvrement ? ? <br /> Est-il possible qu'un tout petit texte de rien du tout laisse transparaître la faille fondamentale de celui qui l'écrit sans qu'il en ait conscience ? ?
B
Bien sympa ce texte.. marcher avec une paire de charentaises :))
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