43. Des vers et des hommes (Servanne)
" Il faut absolument que je pense à les mettre dans un autre sac la prochaine fois !
C'est toujours pareil ! j'ai beau me dire que je changerai, je ne change pas ! Pire : Ma mémoire se perd de plus en plus souvent dans les longues vallées étroites et sinueuses des oublis délaissés, délétères ... Où ai-je donc la tête ? Je suis en colère, lassée !
Portable, stylo, mouchoir, agenda sur lequel j'ai noté en gras surligné de bleu roi : " Tu ne finiras pas ton assiette tant que tu n'auras pas posé ton regard sur nous. Un regard franc, compatissant mais léger ... Un sourire doux, bienveillant et qui se suffirait à lui seul ... Une caresse tendre, presque sensuelle quoique discrète et qui en dirait plus que tous les mots du monde ..."
Allez cherche ! Qui cherche trouve, tu le sais bien ! ... Fouille en toi, loin, accueille-nous encore dans le mitan secret de ces tables jumelles, seuls ou en tête à tête ...
Tu as trouvé c'est ça ? J'ai gardé ma casquette et je prends le relai et c'est moi qui vous lis : O mes vers adorés passeurs de solitude ... :
"Je me suis enfermé dans mon amour, je rêve ...
Qui de nous deux inventa l'autre ?
Visage perceur de murailles ..." ( Au défaut du silence . Paul Eluard, 1925 )
" Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaître l'ancien jeu des vers ...
Je ne sais plus rien et j'aime uniquement ...
Je médite divinement
Et je souris des êtres que je n'ai pas créés ...
... D'autres jours ont pleuré avant de mourir dans des tavernes
Où d'ardents bouquets rouaient
Aux yeux d'une mulâtresse qui inventait la poésie
Et les roses de l'electricité s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma mémoire. " ( Alcools. Apollinaire )