16. Toi que j'aime et que je lis (MTh. P)
Toi que j'aime et que je lis ,
On a nos univers, nos grappes de connaissances et d 'alliances familières. On ne s'aventure jamais trop loin du vocabulaire dans lequel on a construit notre petite entreprise de résistance aux bris de vie. Le bruit que nous produisons ne nous rapporte que l'écho de proximité. Il nous déborde pourtant, de temps à autre. Chaque excursion dans d'autres sphères du réel, ne serait-ce que dans le livre d'un voisin de parole nous demande un mouvement qu'il nous faut consentir. C'est parfois impossible et nous en souffrons. Tu me témoignes de l'attention et je te la rends à la mesure de ma sympathie et de mon temps disponible. Je n'ai pas besoin de te rencontrer pour l'instant. Cependant , je voudrais ne jamais déroger à cette belle invention du contre-don. J'accepte pourtant l 'usure du désir dans le bien-faire, je voudrais abaisser la hauteur de l'obstacle quand les forces nous manquent, pour ne pas sombrer dans la culpabilité, la honte ou le dépit. Renoncer à donner ou à rendre n'est pas facile dans un monde qui a exilé la gratuité dans les catacombes de sa peur de l'avenir. Mais je ne crois pas que la situation ait vraiment changé depuis la nuit des temps. D'ailleurs , j'aime bien cette expression « la nuit des temps », on pourrait dire éternité , mais tant qu'on n'y croit pas, on peut toujours n'en retenir que l'hypothèse. « Ça ne mange pas de pain » comme on dit !
Peur de mourir. Peur de vivre.
Peur de ne pas manger à la table des rescapés.
Aujourd'hui, je te regarde me regarder.
Je n'ai pas peur, même si je sais où ça mène, dans les grandes lignes.
Quand j'aurai peur, je te le dirai.
Le vent aujourd'hui m'a paru inquiet. Mais il s'est calmé.
Je t'embrasse les mains.
Ton amie d'argile