Blanc (Colette)
Blanc.
Blanc, le silence.
Blanche, la pièce.
Blanche, la blouse.
Eteints, nos visages.
Noyés, nos yeux.
Mort, le soleil…
L’air me manque. Je ferme les yeux. Ma poitrine se soulève. Je souffle l’onde de choc.
Je veux fuir le blanc. Ce blanc m’étouffe !
Pierre saisit ma main. Je sens battre le chagrin dans ses veines. Il me regarde. Tout est dit…
Le vent nous emporte jusqu’à la plage désertée par les badauds.
La mer soulève des vagues de vagues dans un roulis cadencé.
Elle déverse son flot d’écume sur le tapis de sable gris. Les coquillages s’affalent dans le bruit du ressac.
De là-haut, le soleil peint la mer de mille reflets irisés.
Les couleurs ! Oui, il y a autre chose que le blanc ! On l’avait oublié.
Pierre s’étend sur le lit de sable encore chaud. Les mots sont prisonniers de sa bouche. Seuls, ses yeux me parlent.
Ils me disent que je ne suis pas seule. Que ce petit, on l’a fait à deux. Qu’on l’aimera dix mille fois plus encore !
Le vent me caresse. Le roulis de l’eau m’apaise. J’avance. J’avance vers l’océan. Je me rapproche du soleil couchant.
Les mots se déversent sans faire de bruit, comme une prière…
« Mon petit Lou, tu dors confiant dans ton berceau.
Pourtant, depuis ce matin, nous savons que nos doutes étaient fondés.
Aujourd’hui, notre monde s’écroule. Celui qu’on avait construit pour toi.
Je t’ai donné le jour, petit Lou. Je devrais plutôt dire, je t’ai donné la nuit !
Quel cadeau, pour une maman !
Un cadeau non choisi, tu sais. Un cadeau imposé.
Le destin. C’est ça. Le destin.
Ne nous en veux pas, petit Lou !
Tes yeux ne seront jamais étoilés de couleurs. Mais, sois confiant… Nous serons toujours là pour te prendre par la main, te raconter le soleil levant, le premier bourgeon, la naissance de la fleur.
Nous t’emmènerons ici, sur cette plage où nous avons accepté la vie qui t’attendait. Nous t’apprendrons à transformer nos couleurs en senteurs, en parfums, en saveurs, en caresses.
Tu construiras ta vie comme tu la ressentiras, petit Lou.
Tu verras… »
Pierre pose sa main sur mon épaule. Le vent emporte mes paroles vers le large. De l’autre côté du soleil. Vers le soleil levant…