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Paroles Plurielles
22 octobre 2007

17. Vertigo. ( Kloelle)


Mauvaise surprise, le quai du métro est noir de monde !
J’aimerais croire que j’ai un autre choix que celui de plonger dans cette bouche humaine mais ce rendez-vous est important alors je me glisse, je me fraye dans le reflux des corps qui vont et viennent au rythme indolent des rames.

Je n’ai pas fait deux mètres que déjà mon bras droit se perd entre le dos trapu d’un ouvrier chauffagiste et le sac vintage d’une petite demoiselle aux cheveux trop bien lissés. J’ai cette étrange impression de perdre les limites de mon corps, de le laisser devenir une partie de celui des autres. Epaules contre épaules, corps entrelacés contre leur gré, odeurs qui se confondent jusqu’à l’écoeurement. Je coule, flasque et suintante dans la multitude. Je ne suis plus que deux yeux qui cherchent une improbable issue…

Au-dessus de ma tête des vitraux post modernes ouvrent ces drôles de catacombes à un filet de lumière blanche. Je m’accroche un instant à ces angles sévères et froids à la géométrie tranchante.
Un homme a posé sa jambe contre la mienne, une longueur de peau, de chaleur, qui transperce mes vêtements. J’éructe le dégoût de l’intime imposé, je lève à nouveau les yeux pour fuir.
Les vitraux sont maintenant inondés de soleil, triptyque inquiétant, singulière atmosphère de cathédrale. L’astre perce les entrailles de la bête et par un jeu de prisme et de miroirs semble viser et pointer ses sillons sur la foule.
Déjà, un homme d’affaire bedonnant et perlant de sueur, qu’un rayon a piqué en plein visage vacille et s’affaisse dans l’indifférence générale.
Le feu déroule ses armes, mon regard se brouille, les corps se tordent, les visages grimacent. Sous une balance en forme de caténaire un visage sardonique m’oriente vers la porte des enfers.
Je sens l’angoisse qui s’incruste dans ma chair, la chaleur qui vient lécher ma peau.
La fin du monde, juste la fin du monde.
Je plonge, je m’enfonce, je ne suis plus.

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Commentaires
K
Vagant tu as saisi l'âme du texte...Quand je dis que les lecteurs parlent parfois mieux d'un texte que leurs auteurs !!!!
V
Ce que je trouve particulièrement intéressant dans ce texte, c’est la description du morcellement psychotique, la perte des limites jusqu’à la bouffée délirante. Très efficace !
K
Je ne sais pas s'il faut expliquer un texte...La version de "l'auteur" n'est finalement pas toujours celle qui s'ajuste le mieux.<br /> Science Fiction ? Non....Chaleur qui brouille les perceptions, promiscuité mal vécue, images de cathédrales et d'un triptyque du jugement dernier qui fait écho...Vertige.....Enfer du monde moderne.<br /> Merci pour votre lecture attentive
L
Je ne crois pas que le texte vire à la SF. On suit cette rame remplie à la gueule qui part de l'obscurité d'une station au soleil étouffant dont les rayons démultipilés par les vitres transpercent la rame comme des lasers, de là à faire une métaphore apocalyptique sur ce phénomène, cela ne tient qu'au talent du narrateur.
R
c'est pas ce texte qui va me réconcilier avec le métro !<br /> oups, qu'elle angoisse au fur et à mesure de la lecture !<br /> pitié, prévenez-nous... pauvres angoissés du métro!!!!
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