17. Souviens-toi de moi (Fabeli)
J’ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac. Le quai du métro sera bientôt noir de monde. Quelques pages encore à remplir et il sera terminé. Je le feuillette et remonte ainsi le temps.
Mars : le licenciement. La haine, l’écœurement.
Mai : le divorce. Violence de mots, de sentiments.
Juin : l’hôtel puis les foyers. La solitude, la honte, la peur.
Octobre : première nuit dans la rue. Le froid, l’alcool.
On se croit à l’abri, de l’autre côté du monde. On va, on vient, on vit, la barrière paraît solide. Mais soudain le chemin s’effrite sous nos pieds. Ça glisse, on dérape, des mains se tendent puis se détournent.
Décembre : elle a compris pour le garage. J’avais gardé une clef, je pouvais dormir au chaud. Mais elle a posé un cadenas, un gros avec une chaîne. Elle s’enferme, se protège. Elle a raison. La chute est si soudaine.
Economies grignotées, quotidien déstructuré, mental déboussolé. J’erre dans ma propre vie, vagabond dépouillé de mes pensées.
Le fil ténu tissé dans ce cahier va se rompre. Où trouver le courage de remplir de nouvelles pages ? Pour qui ? Pourquoi ?
8 février 2008 : Le quai du métro est noir de monde. Ce sera plus facile. Ici s’achève mon errance. Dernière station avant l’oubli.
Toi qui trouveras ce cahier, ne le perds pas. C’est ma trace, mon empreinte, l’ultime preuve de mon passage. Grâce à lui, souviens-toi de moi.