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Paroles Plurielles
26 février 2008

22. Lâcheté ordinaire (souliers vernis)

Il n'en a parlé à personne. Pas encore. C'est trop tôt. Il attend le bon moment. C'est vrai aussi qu'il a peur. Ce n'est pas si facile. Comment le leur annoncer. Et puis, Elise n'a encore que quinze ans.
Sa femme. Sa mère. Ses filles. Il les voit déjà, les yeux pleins de larmes, le visage amer. Il entend déjà les reproches proférés d'une voix suraigüe, les récriminations prononcées, les sanglots insupportables.
Pourquoi est-ce si compliqué. Si au moins Gabrielle avait un amant. Ca lui ôterait une épine du pied. La tâche serait plus aisée. Il pourrait lui dire : « tu vois, tu ne m'aimes plus. Séparons nous en adulte, sans éclats de voix et sans verre brisé ». Oui, ce serait plus simple.

« Gabrielle, j'ai rencontré quelqu'un, je pars. Oui, je sais, j'avais promis que ce serait pour la vie. Arrête de pleurer s'il te plaît. Tu me fais mal. Non, tu n'as rien à te reprocher. Il n'y a rien à expliquer. C'est la vie. Voilà. »

« Maman, je quitte Gabrielle. Oui, il y a quelqu'un d'autre. Oui, ça fait déjà un moment. Je suis sûr qu'elle te plaira. Elle est très belle. Oui, je sais, tu ne m'as pas élevé pour que j'abdique mes responsabilités de père et d'époux. Oui, je sais, on n'a jamais divorcé dans la famille. D'ailleurs, si tu veux mon avis,  je suis le premier mais je ne serai sans doute pas le dernier. Ton fils chéri, Paul, son mariage c'est pas franchement Byzance ces temps-ci. Non, je n'ai rien à reprocher à Gabrielle. C'est la vie. Voilà. »

« Les filles, je quitte votre mère mais vous serez toujours mes filles. Non, Lucie, les hommes ne sont pas tous les mêmes. Oui je sais, les parents de ta copine Justine... Non, Elise, je ne suis pas un salaud. Tu n'as que quinze ans. Un jour tu comprendras. Non, je n'ai rien à reprocher à votre mère. C'est la vie. Voilà. »

Il n'en a parlé à personne. Pas encore. Ces dialogues imaginaires et déplaisants ont élu domicile dans son crâne depuis plusieurs semaines. Il n'en dort plus. Et dire qu'Angèle s'impatiente.

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Commentaires
A
Comme Ponine, un texte vrai, qui touche au quotidien.<br /> La critique est aisée dans ce genre de séparation, mais celui qui part, doit souvent faire preuve de courage ( hé, oui !) pour changer de vie. Pas facile, tu le racontes si bien !<br /> Sartre a écrit : " L"enfer, c'est les autres".<br /> Parfois, c'est vrai !
S
Merci beaucoup
P
je corrige, ok
S
Je viens de me rendre compte que j'ai fait une erreur, ce n'est pas "tu m'as fait mal" qu'il faut lire, mais "tu me fais mal".
S
Merci Pati pour ce com.
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